ROCK N'ROLL MEMORIAL JUBILLEE.
EURO DISNEY -BILLY BOP'S SEpt 2011
THIERRY LE COZ & THE NEW VIRGINIANS
Thierry Le Coz n'est pas un pionnier du rock français. Ce n'est pas de sa faute, naissait tout juste au moment où la première vague des groupes nationaux ravageait le paysage musical de la douce patrie. S'est bien vengé, dix-sept ans plus tard. Avec les frères Provenzano et Didier Tireau – beaucoup plus connu sous l'appellation incontrôlée de Zio, actuel bassiste de Ghost Highway – il forme les Teen Kats qui, avec Jezebel Rock, les Alligators et Victor Leed, sont à l'origine du renouveau rockab dans les années 80. Fallait oser, à l'époque le good old rock'n'roll est une cause perdue. Les grands bénéficiaires de ce retour de flamme inespéré seront les Stray Cats qui trouveront en France et en Angleterre la poignée de fans nécessaire à leur mise sur orbite. Plus tard, en 86, Thierry Le Coz quittera son pays natal pour le pays du rock'n'roll, sera un des rares french rockers à se faire admettre par les ricains. Jouera avec tout ce qui compte, je ne vous cite que deux noms pour vous faire saliver Johnny Carrol et Chris Isaack. Dick Rivers a romancé cette incroable aventure dans Texas Blues, un très beau bouquin que je vous chroniquerai un de ces jours. L'orchestre s'est installé, le set est dédié à Eddie Cochran mais Philippe Fessard à la guitare nous la joue un peu à la Gene Vincent, arrivant sur des béquilles et se calant contre un tabouret dès que ses interventions ne sont plus de première importance. Ne soyez pas inquiets, assurera comme une bête tout le concert malgré son handicap. Thierry arrive la Gretsch à la main, tatouage sur le bras, l'oreille percée d'un anneau, sa silhouette évoque irrésistiblement Brian Setzer. Quand on sait l'admiration que ce dernier porte à Eddie Cochran l'on se dit qu'il n'y a pas de hasard, rien que des rencontres. Dès la fin du troisième morceau Thierry Le Coz met les points sur les i. « Quoi qu'il arrive, je ne serai jamais un imitateur. » Ce n'était pas la peine de préciser. D'abord parce que Cochran était inimitable, ensuite parce que Le Coz ne nous donne jamais l'impression de singer le Maître. Ne recherche pas l'identique. Si son approche – goûtez la subtile densité du vocable – reste respectueuse, Thierry joue en toute liberté, il enchaîne tous les standards d'Eddie sans retenue, un jeu de guitare que je qualifierai de dense et de dru, laissant à Fessard la possibilité de souligner à bon escient - et il ne s'en prive pas. Derrière au piano on s'en donne à coeur joie, Skinny Jim, Jenny, Jenny, Jenny, Pretty Girl ont de quoi ravir un virtuose du clavier ! Quant aux morceaux comme C'mon Everybody, Summertime Blues, Somethin'Else, il serait si facile de les marteler comme du hard rock, mais Le Coz et les New Virginians ne donnent pas dans la facilité, ils les poussent au maximum et les emportent comme des gerfauts qui se laissent tomber sur leur proie. La salle ne reprend pas en choeur, elle double la voix de Le Coz. Moins profonde que celle d'Eddie, plus rauque , cassée comme abîmée par l'alcool et la cigarette. Que serait devenue celle d'Eddie à cinquante balais si la camarde n'était venue nous l'enlever ?N'iront pas au-delà de la quinzaine de morceaux, trop court. Intense, mais l'on aurait repris quelques cuillères de plus. Personne n'aime rester sur sa faim. J'aurais aimé entendre comment Thierry Le Coz se serait tiré du frappé d'Eddie sur les cordes de Three Steps to heaven. Mais le paradis n'étant pas de ce monde, il ne faut point trop exiger. La musique qui envahit les hauts parleurs nous obligent à comprendre qu'il n'y aura pas de rappel. Il est vrai que parfois il vaut mieux couper le cordon tout de suite. Sacré coup de blues suite à cette évocation d'Eddie, quel gâchis, mais avec des si l'on réécrirait l'histoire du rock'n'roll sans problème. Et peut-être pas en mieux. L'on sort tirer une sèche sur le bitume. Un petit jeune – expression des plus idiotes, c'est justement lorsque l'on est jeune que l'on est au sommet de sa force, après l'on ne fait que du ratatinage, vu que l'on n'est jamais aussi grand que nos rêves – aborde Alain, nous cause de Luther Allison – et croyez-moi un gars qui connaît ce géant du blues ne peut pas être entièrement mauvais – et cherche à savoir ce qui se cache derrière l'image d'Epinal du milieu rock... vaste sujet et je ne crois pas que nous ayons comblé son manque d'informations... Il arrêtera la conversation pour entendre Ervin Travis. Très bonne initiative.
ERVIN TRAVIS and the NEW VIRGINIANS
Longtemps que je voulais le voir. J'ai tellement visionner ses vidéos sur You Tube ! Une toute autre démarche que Johnny Gee et des Black Machine qui ont profité des vingt ans de la disparition de Vince pour lui rendre hommage, ou de Thierry Le Coz qui s'est lancé dans un tour de chant Eddie Cochran pour fêter le cinquantenaire de la mortelle randonnée que fut la dernière tournée d'Eddie et de Gene en Angleterre. Ervin Travis a ervidemment participé à cette précédente aventure, mais son cas relève d'une problématique différente. Passion Gene Vincent. Ainsi pourrait-on la résumer. Ervin Travis s'est voué corps et âme à Gene Vincent. Les esprits chagrins feront remarquer que l'oeuvre et le souvenir de Gene Vincent se suffisent à eux-mêmes. Ce qui n'est pas faux. Rien à rajouter et peut-être même rien à retrancher. Toutefois pour mieux comprendre il faut se référer aux rapports très particuliers que la France et Gene Vincent ont depuis le tout début entretenu. Le personnage de Gene Vincent a traumatisé les rockers français. Gene possédait peut-être tous les défauts du monde mais il n'était ni un faiseur, ni un entertaineur. S'amusait pas. Ne suivait pas la mode. Le rock'n'roll était consubstantiel à sa personnalité. Un teigneux qui s'est accroché jusqu'au bout et qui n'a jamais renié son propre engagement. Des disques prestigieux, des concerts légendaires, et toujours dans la marge. Un outlaw plus près de ses fans que du show-biz. Et puis surtout cette aura chaotique qui le précédait et le suivait partout. Un gentil garçon qui refusait qu'on lui marche sur les pieds. Le croquemitaine de l'establishment et des bien-pensants.Beaucoup d'entre nous ont encore aujourd'hui un Gene Vincent qui claudique dans notre tête. Il nous sert de boussole, il est l'oiseau tempête de nos rêves. Chacun essaie de s'en approcher comme il peut. Alors que beaucoup s'engluent dans les méandres de la voie humide des regrets toujours recommencés, Ervin Travis a opté pour le chemin alchimique de foudre de feu et de flamme. Dont on ne ressort que brûlé. Mais plus fort et initié.Méfiez-vous des imitations. Il n'y a qu'un Ervin Travis. Il me faudrait au moins trois pages recto verso pour allonger à la queue-leu-leu les noms de tous ceux qui se sont ingéniés à reprendre du Gene Vincent, je rajouterais quelques lignes de plus pour ceux qui ont agi avec ferveur et respect. Pour les lecteurs de KR'TNT je renvoie ainsi à notre cinquante-troisième livraison sur le set des Capitol's à Auxerre du 18 mai 2011. Mais Ervin Travis c'est autre chose de beaucoup plus prégnant. De l'intérieur. Non pas des noirs oripeaux de l'idole, ce qui est trop facile, mais du dedans de sa sensibilité. Ervin Travis ne recopie pas, il se glisse dans un état d'âme. Il n'est pas un clown qui pastiche. L'on a l'impression que c'est le fantôme de Gene qui vient l'habiter. Non pas pour s'imiter, mais pour écouter Ervin Travis chanter. Car c'est cela le miracle Travis, Ervin ne chante que des morceaux de Vincent mais avec une telle authenticité que l'on n'écoute plus que Travis. A aucun moment l'auditeur n'est dupe, ce n'est pas Gene Vincent qui hurle et gémit près de nous mais Travis dont le chant nous transporte, nous transpose en une évocation des plus émouvantes.La foule ne s'est pas trompée qui reprend en choeur Over the Rainbow et ce silence angoissé sur You'll never walk alone. Deux balades déchirantes d'Ervin Vincent, à moins que ce ne soit de Gene Travis, qui nous mouillent les paupières. N'en oublions pas pour autant les New Virginians, Philippe Fessard notamment qui nous distille sur Mr Loneliness un crescendo au vibrato digne des plus grands. De même ses shots d'adrénaline sur Catman nous transpercent le coeur comme des balles de magnum 357. Ervin Travis ne manque pas de feuler tel un puma bléssé à mort sur ce qui peut être considéré comme la quintessence de l'art de Gene Vincent en compagnie des Blue Caps. Deux parties séparées d'un court interlude musical, l'une en rouge et blanc, la seconde revêtu d'une combinaison de cuir noir. Attitudes caractéristiques de Gene Vincent, arque-bouté sur le micro, penché en avant. La voix qui monte, le sourire extatique, la fièvre du dedans et l'éruption au-dehors. Un set hors du temps mais dans le tumulte du monde. Actuel.Git It, Say Mama, je ne vais pas tous vous les citer. Vous les connaissez déjà par coeur. Je suis ailleurs emporté par le tourbillon de la voix d'Ervin qui m'emmène au plus haut. Ovation finale. Pas de rappel. Hélas, quelle stupide habitude du Billy Bobs ! Backstage Ervin Travis fatigué mais heureux nous dédicace une photo. L'homme se livre en mots simples, chaleureux, accueillant. Il parle de son enfance, de sa vie, des mots de tous les jours mais percutants. Rock'n'roll jusqu'au bout de l'âme.
Damie Chad - September 2011